Mesdames, Messieurs les Ministres,
Madame la Secrétaire Générale Adjointe du Conseil de l'Europe,
(Mesdames), Messieurs (les Représentants ou) les Présidents du Comité des Ministres, de l'Assemblée Parlementaire et du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe
Mesdames, Messieurs les Représentants des Organisations intergouvernementales et non gouvernementales,
Délégués des enfants et des jeunes
Excellences, Mesdames, Messieurs
En venant vers vous ce matin, mes pensées étaient empreintes des souffrances et des injustices dont tant d'enfants dans le monde sont les victimes.
Victimes de la misère, de la famine et des conflits mais victimes aussi de la violence de réseaux mafieux qui échappent, en se jouant des lois comme des frontières, aux sanctions de leurs crimes.
Victimes également de préjugés, du racisme, de la dérive de certaines sociétés dans lesquelles les références morales s'estompent tandis que les valeurs fondamentales, de respect des droits humains et de la loi commune, celles du Conseil de l'Europe, sont de plus en plus méprisées, ignorées et bafouées.
Victimes aussi, hélas ! de leur propre famille, de l'alcoolisme et du mal être de parents sans référence, de règles y compris éducatives désuètes ou mal interprétées.
Victimes enfin d'une brutalité sans retenue qui peut aller jusqu'à l'infanticide.
Victimes de l'inconscience, et peut-être si nous ne hâtons pas de notre lenteur.
Le respect des enfants et de leurs droits à la vie, à une famille, à des soins, à une éducation, quels que soient leur apparence, leur origine ou leur état, sont d'autant plus nécessaires que leur dépendance comme leur faiblesse et leur fragilité sont grandes.
Revenons un instant à notre propre enfance, à nos premiers souvenirs, à nos doutes, à nos peurs, aux angoisses qui parfois nous habitaient, à ces élans affectifs, aux rêves que nous construisions. Souvenons-nous de cette confiance merveilleuse qui nous liait à nos parents, à l'affection que nous portions naturellement à nos proches et à cette naïveté heureuse qui inspirait les premières étapes de nos relations humaines. Le besoin de protection et de tendresse n'était-il pas alors omniprésent ?
Aucun enfant ne souhaite être malade, souffrir, avoir faim, être battu, abusé, vendu ou tué.
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes rassemblés, aujourd'hui à Monaco, Responsables politiques, Représentants d'Organisations intergouvernementales comme non gouvernementales, experts et militants de la promotion et de la protection des droits de l'enfant, journalistes, hommes et femmes de communication pour nous entendre et pour écouter attentivement les enfants et les jeunes qui sont parmi nous et dont certains ont travaillé ardemment hier et encore ce matin.
Il est important, en effet que les enfants et les jeunes qui participent à cette rencontre soient écoutés et entendus et que nous prenions en compte leurs avis.
Nous ne sommes pas ici pour nous convaincre mutuellement de la validité des causes que nous avons choisies de défendre ou pour réfléchir, une fois encore, sur les malheurs du monde, sur les bienfaits ou les inconvénients de la mondialisation, sur l'évolution des climats mais pour nous associer, chacune, chacun, selon nos moyens, nos expériences et nos engagements afin d'apporter des solutions concrètes aux différents fléaux parfaitement déterminés que les rapports élaborés par les experts du Conseil de l'Europe et par d'autres spécialistes soulignent avec clarté et pertinence.
Je vous remercie de la confiance que vous m'avez manifestée en me chargeant de présider nos travaux.
Je le ferai avec conviction, attentive à vos préoccupations, à vos aspirations comme à vos recommandations.
Je le ferai autant en ma qualité de militante de la cause des enfants qu'en ma qualité de mère, dont la vie et les choix sont avant tout guidés par la volonté de protéger ma famille et son équilibre ainsi que d'assurer le bonheur et l'avenir de mes enfants.
La présidence de l'AMADE-Mondiale, l'Association Mondiale des Amis de l'Enfance, que j'assume depuis 1993 m'a enseigné combien le sort de nombreux enfants dans le monde était dramatique et combien il était difficile et complexe, en dépit des lois et des nombreux instruments internationaux dont les Etats se sont dotés, de protéger les enfants de la violence et des abus de toutes natures y compris de caractère sexuel dont ils sont trop nombreux à souffrir.
Je souhaiterai, comme pour la Convention sur les mines antipersonnelles ou la Cour pénale internationale, qu'une coalition d'associations et d'organisations internationales voit rapidement le jour en vue d'encourager et de soutenir les Gouvernements qui s'engageraient à adopter des mesures spécifiques pour combattre l'impunité des crimes les plus graves perpétrés à l'encontre des enfants tels que l'allongement ou la suppression de délais de prescription, une coopération judiciaire renforcée ou encore l'adoption d'une loi modèle ou d'une loi-cadre destinée à renforcer la lutte contre le trafic d'enfants y compris par internet.
Le programme triennal que le Conseil de l'Europe lance ici à Monaco représente une occasion exceptionnelle à la fois pour conforter une véritable prise de conscience des défis qu'il nous faut relever et pour instituer « une alliance » des volontés afin de mettre rapidement et concrètement en œuvre les priorités que les conclusions de notre Conférence nous permettront de préciser.
Ce programme nous incitera, je le souhaite, à créer un véritable réseau de solidarités en vue de poursuivre et de développer ensemble les combats que nous menons, parfois sans grands échos, souvent depuis de nombreuses années, chacun, chacune de notre côté, avec parfois ce sentiment désagréable d'isolement qui, à certains instants, est proche du découragement et nous conduit à l'amertume.
Nous nous devons de partager nos expériences, de tenter de comprendre ensemble les causes de nos réussites comme de nos échecs et procéder, au cours des tables rondes, à des échanges de vues qui devraient permettre, j'en suis persuadée, de progresser dans bien des domaines.
Cette Conférence pourrait être l'occasion de mieux appréhender certaines initiatives récentes ou des réalisations originales en cours menées tant au niveau des gouvernements que par des organisations et des associations humanitaires caritatives.
L'Association mondiale des amis de l'enfance, l'AMADE-Mondiale, aux destinées de laquelle je préside a préparé à votre intention un document d'informations dans lequel sont exposées nos principales activités en Afrique, en Asie ou en Europe, activités menées souvent avec le concours de nos antennes locales et dans le cadre de projets associatifs partagés.
Parmi ceux-ci, je voudrais brièvement attirer votre attention sur trois d'entre eux auxquels je suis particulièrement attachée.
- Naître une seconde fois : Ce projet est destiné, par la formation de chirurgiens, à multiplier le nombre d'interventions chirurgicales sur des enfants atteints de « fentes labio-palatines » qui nuisent à leur allaitement et en font des victimes désignées d'exclusion et de discrimination.
- Ecoles à tous vents : Ces établissements proches de leur lieu de vie s'adressent aux enfants des rues et leur fournissent, en même temps qu'une base d'éducation, des repas et des soins adaptés à leur situation.
- ABC (Alliance for Bases clean-up) : Ce programme a pour objectif, avec l'appui de campagnes d'information, d'obtenir le nettoyage complet de bases militaires et l'élimination de résidus toxiques dangereux tout en apportant une aide aux enfants atteints de maladies causées par ces résidus.
L'AMADE-Mondiale, conformément aux vœux de ma mère la Princesse Grace qui l'a créée et présidée, s'emploie également à encourager recherches et réflexions à propos de thèmes que les progrès de la science et des technologies impliquent en les confrontant aux principes éthiques et moraux essentiels.
C'est ainsi qu'en avril 2000, à la suite d'une minutieuse préparation et de très nombreuses consultations, l'AMADE-Mondiale, en collaboration avec l'UNESCO, a organisé un colloque international auquel ont participé de hautes personnalités du monde de la génétique, de la médecine, de la recherche et du droit.
La Déclaration de Monaco : Réflexions sur la bioéthique et les droits de l'enfant » de même que les Actes de ce colloque ont fait l'objet d'une publication.
Plus près de nous, en avril 2003, une table-ronde internationale a réuni, avec le concours du Gouvernement Princier, experts, juristes, spécialistes et diplomates sur le thème « Crimes contre l'enfant, crimes contre l'humanité ». Elle a été l'occasion d'examiner les différentes solutions à envisager en vue de lutter contre l'impunité de certaines violations particulièrement graves des droits de l'enfant.
Mon frère, le Prince Albert II, n'avait pas manqué, en mai 2002, à l'occasion de la Session extraordinaire des Nations Unies consacrée aux enfants, d'appeler l'attention des Dirigeants du monde en s'interrogeant ainsi : « N'est-il pas de notre devoir de nous employer à renforcer l'ensemble des moyens y compris légaux en vue d'assurer, par delà les contraintes du temps et des frontières, la poursuite et le châtiment des crimes contre nature perpétrés contre les enfants en les qualifiant de crimes contre l'humanité ?».
Mesdames, Messieurs,
En vous souhaitant un excellent et fructueux séjour à Monaco, je forme des vœux très vifs pour la réussite de nos travaux de même que pour le succès du Programme triennal que lance le Conseil de l'Europe, institution dont je tiens à saluer et à remercier à la fois pour son initiative et pour la qualité et la force de son engagement en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'enfant.
Comme mon père, le regretté Prince Rainier III, l'a souvent formulé, il n'est pas nécessaire d'être grand pour entreprendre de grandes choses ni nombreux pour les réussir.
Ce que nous allons entreprendre, nous nous devons de le réussir. Tout enfant qui naît, comme l'écrivait Simone de Beauvoir, n'est-il pas un dieu qui se fait homme ?