Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Monsieur le Secrétaire Général, Madame la Secrétaire Générale adjointe, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Madame la directrice générale,
Dès réception de votre invitation à participer en ma qualité de Présidente de lAmade à cette séance de lAssemblée parlementaire du Conseil de lEurope consacrée aux enfants, jai répondu favorablement, heureuse de partager la réflexion engagée par votre Assemblée pour améliorer le sort des enfants et défendre leurs droits.
Je vous remercie, monsieur le président, de vos paroles si aimables à mon égard. LAmade mondiale a été fondée par ma mère, la Princesse Grace, en 1963, afin de promouvoir et protéger les droits des enfants au niveau international. La Princesse Grace a ainsi voulu réunir le plus de personnes de bonne volonté de tous continents autour de ce problème. Mais elle savait que lapport et le soutien des institutions internationales étaient indispensables pour mener à bien ces objectifs.
Cette association que je préside depuis 1993 développe et soutient des programmes humanitaires à court et à long terme dans les domaines de léducation, de la santé et de la nutrition en faveur des enfants du monde frappés par la pauvreté, lexploitation, la violence ou la guerre. Le financement dopérations chirurgicales en Asie ou en Afrique du Sud, laide médicale apportée aux enfants atteints de maladies génétiques au Niger, la reconstruction décoles après la catastrophe du tsunami, la création décole à tous vents afin de fournir une alphabétisation à la carte aux enfants des rues du Congo ou en Asie, le soutien aux enfants orphelins du VIH/sida: voici quelques exemples des actions que nous menons. Convaincue que lefficacité et la rapidité passent par lexistence de partenariats solides, lAmade sappuie sur un réseau dantennes locales en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie et en Europe, animées par la même mission: laide à lenfance. Ce sont ces antennes locales qui nous alertent constamment concernant les violations des droits de lhomme, qui sont malheureusement quotidiennes.
Malgré limmense tâche déjà accomplie par les institutions et les associations, il nous appartient à nous, nationaux des 46 États membres du Conseil de lEurope, dapporter notre contribution et de proposer de nouveaux moyens daction.
En ce qui concerne Monaco, mon Père, le Prince Rainier III, et, aujourdhui, mon Frère, ont toujours voulu sinvestir dans cette cause et sensibiliser les instances internationales. En 2004, devant lAssemblée générale des Nations Unies, mon frère sexprimait en sa qualité de Prince héréditaire et invitait la communauté internationale à renforcer la coopération en vue de mettre fin à limpunité des auteurs de violences envers les enfants.
Par ailleurs, dès son adhésion au Conseil de lEurope, la Principauté de Monaco a souhaité prendre part aux réflexions et aux projets de cette institution pour protéger nos enfants. Jai eu lhonneur et le plaisir, en septembre 2005, de participer à Monaco à la réunion de la Commission permanente de lAssemblée parlementaire du Conseil de lEurope qui a inscrit à son ordre du jour un débat sur la violence et toutes les formes dexploitation et dabus envers les enfants.
Cest à loccasion de cette réunion quil fut décidé dorganiser à Monaco au printemps 2006, la conférence de lancement du programme triennal du Conseil de lEurope: Construire une Europe pour et avec les enfants. Mme Maud De Boer Buquicchio, Secrétaire générale adjointe, a développé lors du lancement de ce programme les deux objectifs proposés: la promotion des droits de lenfant, léradication de la violence à légard des enfants. Cette action se fonde sur quatre principes: la protection des enfants; la prévention de la violence; la poursuite des auteurs des violences; et la participation des enfants.
Au printemps 2006, nous nous sommes donc quittés animés par la volonté dagir, de poursuivre les objectifs que nous avions fixés, de recueillir les aides techniques, les soutiens moraux nécessaires pour mettre en uvre les actions envisagées sur le plan matériel en sappuyant sur les bases juridiques incontestables et à visée universelle.
Depuis lors quest il advenu ?
Chacun de notre côté nous avons continué à travailler. Le Conseil de lEurope, tant dans le cadre du Comité des Ministres que dans celui de lAssemblée parlementaire, a poursuivi sa tâche en ce domaine. Le 22 mai 2006, le comité dexperts sur la protection des enfants contre lexploitation et les abus sexuels commence ses travaux. Depuis, il poursuit sa mission délaboration dun projet de convention sur la protection des enfants contre lexploitation sexuelle et les abus à déposer en 2007.
Il convient en outre de souligner le rôle important du Commissaire aux droits de lhomme du Conseil de lEurope, M. Thomas Hammarberg, qui a fait de la lutte contre les violences infligées aux enfants, lune de ses priorités. Enfin, la commission des questions juridiques et des droits de lhomme de lAssemblée parlementaire a établi un rapport pour lutter contre la violence et toutes les formes dexploitation et dabus envers les enfants, accompagné de projets de résolution et de recommandation qui nous ont été présentés par son rapporteur, M. Jean Charles Gardetto que je tiens à remercier.
Aujourdhui même un projet de déclaration commune sur le renforcement de la coopération entre le Conseil de lEurope et lUnicef est signé.
Dautres hautes instances, comme les Nations Unies concentrent leurs efforts sur laide à lenfance, notamment dans la lutte contre la violence. Une session spéciale des 11, 12 et 13 octobre 2006 était consacrée à la présentation du remarquable rapport du professeur Pinheiro sur la violence contre les enfants. Le Haut commissariat aux droits de lhomme des Nations Unies, lOMS, lUnesco, Interpol, la Commission européenne ou encore lUnicef, ainsi que chaque gouvernement au niveau national poursuivent le même objectif.
Malheureusement la violence demeure un problème dactualité dans le monde entier: or c'est la négation de la paix, un idéal auquel, je lespère, nous aspirons tous. Désormais, la lutte contre la violence est incontestablement une préoccupation partagée par tous et à tous les niveaux. Quel que soit le niveau de vie et la situation intérieure des pays, des améliorations sont toujours possibles. Des expériences doivent être tentées.
Je citerai, à titre dexemple, une expérience positive menée par le gouvernement de la Principauté de Monaco dès 1998: lélaboration dune structure de médiation dans le cadre de la direction de laction sanitaire et sociale. Cette expérience sera probablement institutionnalisée. Je rappelle à cet égard que le Commissaire aux droits de lhomme encourage la généralisation de cet organe dans les Etats membres du Conseil de lEurope.
Soucieux, en outre, de sinvestir dans le programme du Conseil de lEurope, le gouvernement princier a voulu lui apporter sa contribution volontaire en formulant le vu que les fonds quil a versés soient prioritairement affectés aux activités visant à prévenir et à protéger les enfants, en les sensibilisant aux dangers quils encourent par lusage dInternet et des nouvelles technologies de linformation et de la communication.
Initié en 2002 par lAmade mondiale, le projet juridique «Crime contre lenfant, crime contre lhumanité» avait pour objectif dobtenir la qualification des crimes les plus odieux commis à lencontre des enfants de crime contre lhumanité. Soutenue par mon Frère à la tribune des Nations Unies en 2002 et en 2004, ce programme sest orienté vers deux principes directeurs: limprescriptibilité des crimes et luniversalité de la poursuite à lencontre de leurs auteurs. Ainsi, lAmade mondiale a essayé, durant plusieurs années, de rallier la communauté internationale autour de ce thème.
Cependant les difficultés rencontrées dans lélaboration et la mise en place dun nouvel instrument juridique ont conduit notre association à poursuivre son action au niveau régional dans le cadre du Conseil de lEurope, mais aussi au niveau national, en collaboration avec le Gouvernement princier et le Conseil national. Cela nous a permis de mettre en évidence les différents domaines dans lesquels sinscrivent les tendances actuelles en matière de protection de lenfance, de nature à inspirer le renforcement du statut juridique de lenfant.
Ces domaines concernent : dabord la protection civile ; il sagit, par exemple, des mariages forcés : le vice de violence qui entache la liberté de consentement peut désormais être invoqué par le ministère public. Il sagit aussi de la protection administrative, c'est-à-dire, par exemple du contrôle du respect de lobligation de la fréquentation scolaire, car nous savons que labsentéisme est un facteur pour déceler les situations à risque. Il faut mentionner aussi la protection sanitaire et sociale, un véritable droit à la santé en faveur des mineurs et la lutte contre le travail des enfants ; dans certains pays, la limitation de linterdiction du travail des enfants de moins de quatorze ans ne constitue quune protection insuffisante ; le seuil pourrait être élevé à seize ans. Jajouterai enfin la protection pénale, c'est-à-dire tout ce qui concerne les atteintes à lintégrité physique du mineur et la protection de lintégrité sexuelle du mineur.
Ainsi, sur le plan de larsenal juridique monégasque, je me réjouis quun projet de loi visant à renforcer la répression des crimes contre lenfant, qui prendra en compte certaines des incriminations énoncées par le groupe dexperts du Conseil de lEurope, soit déposé dans le courant de lannée 2007 sur le bureau de lAssemblée parlementaire monégasque.
Nous serons donc, dans quelques mois, à mi-chemin de notre programme triennal. Je constate que le Conseil de lEurope, avec la collaboration de tous ses organes et ses services compétents, a défini le contenu et la forme dun instrument juridique efficace. Le projet de convention européenne sur la protection des enfants contre lexploitation sexuelle est aujourdhui à un stade avancé. LAmade, dont je vous ai précisé la vocation, apportera son soutien à ce texte.
Léradication de la violence, cest aussi la recherche de lintérêt de lenfant, notion que lon retrouve dans la convention sur les droits de lenfant des Nations Unies et dans nombre de législations nationales. Ne pourrait-on pas tenter dharmoniser la définition de la notion dintérêt supérieur de lenfant sur la base de caractères intangibles, éliminant ainsi les variations dinterprétation?
Je partage la volonté du Conseil de lEurope de fournir une couverture juridique complète et exhaustive et de parvenir à une harmonisation du droit pénal et des mesures pertinentes à cet égard dans les États membres du Conseil de lEurope. Le Conseil de lEurope a un rôle fondamental à jouer mais ne peut cependant agir seul dans cette entreprise. Je vous souhaite de mener à bien, avec la collaboration des autres organisations internationales, des gouvernements, des parlements nationaux, des experts, tous animés par le même idéal, vos travaux, pour présenter dans le courant de lannée qui vient de souvrir ce projet de convention.
En 2002, lAmade tirait la sonnette dalarme. Nous sommes en 2007 et lurgence est la même. Défendre lévidence même, c'est-à-dire le droit de ne pas souffrir, le droit de ne pas être abusé sexuellement, le droit de ne pas être vendu, de ne pas être exploité, de ne pas être violé, de ne pas être enlevé, de ne pas être mutilé, le droit de ne pas être négligé, puis oublié.