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Allocution de S.A.S. le Prince Albert II à l’occasion du Débat Général de la 79e Session de l’Assemblée Générale de l’ONU

Monsieur le Président de l’Assemblée Générale,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Il y a près de 80 ans, la Charte des Nations Unies voyait le jour et posait les bases de notre Organisation pour préserver les générations à venir du fléau de la guerre.Ses fondateurs avaient alors la ferme conviction qu'il n'existait pas de pouvoir plus légitime et durable que celui confié collectivement à cette nouvelle institution supranationale. 

J’ai pris part ces deux derniers jours, aux côtés de nombre d’entre vous, et à l’initiative du Secrétaire Général, Monsieur Antonio Guterres, au « Sommet de l’Avenir ». Entre espoirs et inquiétudes, ce Sommet nous a permis de mesurer l’immensité du travail restant à accomplir pour assurer un futur harmonieux et paisible à nos enfants. Alors même que nous sommes confrontés à un nombre croissant de défis, nous observons actuellement une multiplication des conflits régionaux, une reprise de la course aux armements et de la prolifération nucléaire, ainsi qu’un net recul de la sécurité collective. L’extrême violence des conflits qui sévissent actuellement et les milliers de victimes qu’ils entraînent aux quatre coins du monde est intolérable. Les attaques ciblées contre les infrastructures civiles, qui n’épargnent ni les écoles ni les hôpitaux sont des violations flagrantes des principes fondamentaux du droit international humanitaire. De même, l’utilisation de la famine comme arme de guerre est un crime odieux. Ces actes ne doivent pas rester impunis. Quel que soit le conflit et le continent sur lequel il se déroule, la justice internationale doit établir les crimes et juger les coupables, prérequis indispensable pour bâtir, à terme, une paix juste et durable. La partition du monde à laquelle nous assistons est très préoccupante. L’heure ne devrait pas être à la guerre et aux divisions, mais à la construction de coalitions d'actions concrètes, à l’intensification de la coopération, à la solidarité, à l’entraide et au dialogue. La conviction de Mon pays a toujours été que la voie du multilatéralisme est la seule voie possible.

L’ONU est au cœur du multilatéralisme et il nous appartient de mettre en œuvre la feuille de route que nous avons collectivement adoptée. Ainsi que nous nous y sommes engagés l’année dernière lors du Sommet sur les Objectifs de Développement Durable et, hier encore, à l’occasion du Sommet de l’Avenir, nous devons nous détourner de la voie de la destruction et nous concentrer sur celle menant à la prospérité. Le nouvel Agenda pour la Paix trace un chemin pour nous aider à faire preuve de plus de solidarité et réinstaurer la confiance. Des jalons ont déjà été posés et nous indiquent la marche à suivre dans un avenir proche.

La Quatrième conférence des Nations unies sur le financement du développement qui se tiendra l’année prochaine nous enjoint à repenser l’architecture financière internationale pour aider les pays à emprunter des voies de développement plus durables et plus inclusives. Le Sommet social mondial qui se tiendra également l’année prochaine devra redonner l’impulsion nécessaire pour plus de justice sociale et contribuer à lutter contre la pauvreté, Objectif N°1 des Objectifs de Développement Durable. Le développement durable dans sa globalité ne saurait atteindre les effets escomptés s’il n’inclut pas les femmes et les filles.

Alors que nous célébrerons, en 2025, d’une part le 25ème anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité et, d’autre part, le 30ème anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, force est de constater que l’égalité des genres n’est toujours pas acquise alors qu’elle représente celle des droits, des responsabilités et des chances. Ce n’est qu’en garantissant leurs droits dans l’ensemble des Objectifs de Développement Durable et des actions du Pacte pour l’Avenir que nous parviendrons à plus de justice et d’inclusion. Pas à pas et coûte que coûte, nous devons maintenir nos efforts pour promouvoir les droits des femmes et assurer l’égalité des genres. 

Monsieur le Président, 

Ne nous méprenons pas, les défis les plus menaçants pour l'humanité à long terme sont sans conteste liés à la crise environnementale multidimensionnelle que nous traversons et dont nous sommes, dois-je le rappeler, les premiers responsables. Les changements climatiques, l'érosion de la biodiversité et des écosystèmes ainsi que les multiples pollutions qui affectent indifféremment la terre et l’océan, berceau de la vie, bouleversent la vie quotidienne de millions de personnes et infligent des pertes économiques considérables. Face à cette tragédie des communs, il ne saurait être question de doute ni d’abattement. Certes, nous devons être lucides devant l’ampleur des tâches à accomplir, mais cela ne doit pas nous empêcher de faire preuve d’optimisme et d’avoir foi en l’avenir. En effet, nous disposons désormais de plusieurs instruments internationaux majeurs qui doivent nous servir de boussole dans la tempête : l’Accord de Paris, le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, l’Accord BBNJ et bientôt, je l’espère, un nouvel accord international pour combattre la pollution plastique dans le monde. Ces crises nécessitent une réponse coordonnée. Ainsi, lorsque nous participerons à divers forums internationaux prévus dans les prochains mois, gardons à l'esprit l’exigence d'une action unifiée et concertée. En Colombie d’abord, lors de la COP 16 de la Conférence des Nations Unies sur la Biodiversité, où les attentes sont grandes et reflètent les nombreux défis à relever pour mettre en œuvre le Plan pour la Biodiversité et concrétiser notre vision 2050 : « vivre en harmonie avec la Nature ». En fin d'année, lors de la COP 29 de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques à Bakou, nous fixerons un nouvel objectif collectif de financement climatique à destination des pays en développement qui devra être à la hauteur des immenses besoins, tout en restant réaliste et opérationnel. Créer les conditions pour garantir le droit à l’avenir dans un environnement sain nécessite de mettre fin aux bouleversements de nos écosystèmes et ce, avec l’appui de la science, mais également du savoir et des connaissances des femmes et des hommes présents sur le terrain qui subissent déjà les conséquences de ces changements.

Je pense ici aux Petits Etats Insulaires en Développement, particulièrement vulnérables aux conséquences de l’élévation du niveau de la mer, et dont la possible disparition des surfaces habitables et productives constitue une réelle menace pour leur existence. La Principauté de Monaco et ses institutions engagées pour la préservation des océans apporte son soutien au projet de création d’un groupe international d’experts pour la durabilité de l’Océan (IPOS) qui serait conduit par la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO. A ce titre, tandis que nous progressons dans la Décennie des sciences océaniques, j’en appelle à tous les Etats afin d’accélérer le processus de ratification de l'Accord BBNJ, pour espérer son entrée en vigueur dès 2025, année importante pour la planète avec la tenue, en France, de la troisième Conférence des Nations Unies sur l'Océan. Cette conférence devra permettre d’accélérer nos actions et de mobiliser tous les acteurs en vue d’apporter les solutions durables dont l’océan a besoin pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés. L’économie bleue a également un rôle à jouer et la Principauté entend collaborer activement en accueillant, les 7 et 8 juin 2025, le forum sur l’économie et la finance bleues. Enfin, au-delà du cadre que nous offre l’Accord BBNJ, je réaffirme l’engagement de mon pays en faveur de la mise en place d'une règlementation solide, fondée sur les meilleures données scientifiques, qui garantisse une protection effective du milieu marin avant toute exploitation minérale des grands fonds marins. En définitive, ces crises interconnectées nous enjoignent de repenser fondamentalement notre relation à la Nature, essentielle à notre survie et notre bien-être. 

Monsieur le Président,

Au titre des défis et des changements auxquels l’humanité fait face, le développement de l’intelligence artificielle figure parmi ceux qui paraissent inéluctables. L’émergence et l’essor de cette technologie nouvelle dans nos vies quotidiennes s’accompagne tant d’opportunités qu’il nous importe de saisir, que de dangers dont nous devons nous prémunir. Ainsi, cette année, en coparrainant la première résolution onusienne sur cette thématique, la Principauté de Monaco s’est engagée à « saisir les possibilités offertes par des systèmes d’intelligence artificielle sûrs, sécurisés et dignes de confiance pour le développement durable ». En effet, les progrès technologiques fulgurants dont nous sommes témoins peuvent aussi bien accélérer le développement qu’offrir un terrain fertile au crime organisé et au terrorisme. Il incombe à présent à la communauté internationale d’établir les normes adéquates imposant une utilisation éthique de cette technologie, respectueuse des droits humains et des libertés fondamentales de chacun et garantissant que son usage ne puisse être détourné à des fins militaires ou terroristes. Par ailleurs, la désinformation représente aujourd'hui l'un des dangers les plus insidieux pour nos sociétés. Elle se propage rapidement, alimentée par les réseaux sociaux et les plateformes numériques, semant la confusion et érodant la confiance dans les institutions et les médias. Les conséquences de cette manipulation de l'information sont graves, pouvant aller jusqu’à la déstabilisation de nos Etats et l'exacerbation des tensions internationales. Il est donc essentiel de renforcer les mécanismes de vérification des faits pour protéger la vérité et préserver la santé de nos démocraties.

Monsieur le Président, 

Nous disposons des outils nécessaires, qu'ils soient juridiques, technologiques ou scientifiques, pour apporter des solutions durables et efficaces à nos défis contemporains. Le Pacte pour l’Avenir et les 80 ans des Nations Unies en 2025 nous offrent une opportunité historique et unique de faire avancer le processus intergouvernemental sur la réforme du Conseil de sécurité afin de rendre notre Organisation plus inclusive et représentative des réalités actuelles, afin de résoudre les crises auxquelles nous faisons face. Alors que les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris ont rencontré un immense succès, les athlètes nous ont montré que les efforts et la persévérance, y compris dans l’adversité, mènent à la victoire. Ils nous ont donné une leçon d’humilité en nous enseignant que si la victoire est l’objectif ultime, le chemin parcouru et l’émulation réciproque sont des accomplissements tout aussi importants. Engageons-nous donc, ensemble et avec détermination, dans le processus que nous avons défini. Etape par étape, franchissons les obstacles sans jamais perdre de vue notre objectif : celui de préserver la paix entre les Nations et de garantir le bien-être des peuples des Nations Unies. 

Je vous remercie de votre attention. 
 

Allocution de S.A.S. le Prince Albert II à l’occasion du Débat Général de la 79e Session de...