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Allocution de S.A.S. le Prince Albert II à l’occasion du Débat Général de la 78e Session de l’Assemblée Générale de l’ONU

Monsieur le Président de l’Assemblée Générale,

Monsieur le Secrétaire Général,

Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

En 1993, je prenais pour la première fois la parole depuis cette tribune en qualité de chef de la Délégation de la Principauté de Monaco à la 48ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies.

Alors que mon pays a célébré le trentième anniversaire de son admission au printemps dernier, sachez que ma détermination à faire en sorte que Monaco contribue activement à la réalisation des desseins de la Charte est d’autant plus forte que les défis qui nous menacent ne cessent de s’amplifier et nous obligent.

Cette année nous célébrons le 75ème anniversaire de l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Je tiens ici à saluer l’engagement passionné d’Eleanor ROOSEVELT qui a joué un rôle déterminant dans l’élaboration de ce document historique visant à garantir que chaque être humain, où qu'il se trouve, puisse jouir de ses droits inaliénables.

Ces dernières décennies, l’Organisation des Nations Unies a été au cœur de progrès que seul le multilatéralisme peut engendrer : de l’Agenda pour la paix, adopté lors du premier Sommet du Conseil de sécurité en 1992 à l’Agenda pour le développement, adopté par l’Assemblée générale en 1997 ; des Objectifs du Millénaire pour le développement en 2000 aux Objectifs de développement durable en 2015 : c’est à notre collégialité que nous devons ces avancées significatives.

Monsieur le Président,

Monaco était encore observateur auprès de l’ONU lorsque Mon Père, le Prince Rainier III, a décidé de prendre part à la Conférence de Rio à l’issue de laquelle ont été adoptés l’Agenda 21 et ce que l’on a coutume d’appeler les Conventions de Rio.

Cette participation au Sommet de la Terre a été l’un des éléments déclencheurs du souhait de la Principauté de solliciter la qualité de membre à part entière de la communauté des Nations qui siègent dans cette illustre salle.

Le respect de l’environnement et des espèces sauvages sur terre et en mer ainsi que le soutien à la science ont été des priorités fondamentales pour les Princes de Monaco à travers les siècles. Aujourd’hui ce qui était un engagement sans faille est devenu une obligation pour notre survie.

Voilà pourquoi Monaco a signé la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, la Convention sur la diversité biologique et, ultérieurement, celle sur la lutte contre la désertification.

Ces traités internationaux, bien que complétés par la suite, continuent de guider nos actions pour préserver la planète d’une catastrophe environnementale qui pourrait réduire à néant tout progrès.

A cet égard, je souhaiterais souligner combien l’enrichissement du droit international est un succès sous-estimé de nos efforts de coopération au sein de l’ONU et rappeler que, depuis son admission aux Nations Unies, l’Etat de Monaco est devenu partie à une cinquantaine de traités internationaux couvrant un large éventail de sujets tels que les droits de l’homme, le désarmement, l’environnement ou encore le droit de la mer.

Au cours de l’année qui vient de s’écouler, le multilatéralisme a, dans certains domaines, une nouvelle fois démontré sa vigueur et son efficacité, à force de persévérance.

En décembre dernier, nous avons franchi un cap historique en adoptant le nouveau cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal.

Quelques mois plus tard, nous sommes parvenus à conclure près de deux décennies de négociations en finalisant l’Accord sur la diversité biologique en haute mer que j’ai eu l’honneur de signer ce matin. Cet instrument juridique contraignant marquera j’en suis persuadé une autre étape, décisive, pour la protection et la préservation des mers et des océans.

Ces victoires, fruits de nos efforts collectifs, doivent nous donner de l’espoir. Car au-delà de l’Océan et de la biodiversité, elles incarnent le potentiel même des Nations Unies : celui de bâtir des édifices communs pour mieux vivre ensemble, en harmonie avec la nature.

En outre, il me paraît fondamental de prendre conscience que ces nouveaux instruments nous offrent des outils puissants pour combattre le changement climatique.

Chez les peuples aborigènes ou insulaires, la mer est un être à part entière. Son rôle crucial des mers et des océans dans la régulation du climat est désormais clairement reconnu et nous permet d’appréhender ce défi de manière holistique.

Car ne nous méprenons pas, nous ne pourrons gagner la bataille climatique qu’en avançant de front sur l’ensemble des objectifs de développement durable que nous avons édifiés de concert il y a maintenant 8 ans.

Nous ne devons plus perdre un instant : les « événements climatiques extrêmes », inondations, sécheresses, incendies, dont la fréquence et l’intensité ne cessent d’augmenter, engendrent déjà la souffrance de millions d’individus et exigent de notre part des mesures urgentes et drastiques.

Les modifications physiques du milieu marin et des zones littorales, l’acidification de l’Océan et l‘élévation du niveau de la mer, sont d’autres phénomènes qui constituent des menaces pour l’existence même des communautés côtières dans de nombreux pays.

Monsieur le Secrétaire Général, votre volonté de réunir les dirigeants des Etats, les représentants des institutions privées ou de la société civile dans le cadre d’un Sommet sur l’ambition climatique ne pourrait être plus opportune alors que le dernier rapport du GIEC nous a une fois de plus alertés sur l’insuffisance de nos efforts collectifs pour lutter contre ce fléau planétaire.

Nous avons entamé, il y a plusieurs mois déjà, le premier processus d’évaluation de la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Ce bilan mondial, qui aboutira lors de la COP28, ne pourra se limiter à un terrible constat d’échec. Nous devrons au contraire saisir la dernière opportunité qui nous est offerte de rectifier la trajectoire afin de limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C.

Mesdames et Messieurs, rendons-nous à l’évidence : de profonds et parfois difficiles changements de nos modes de vie et de nos organisations collectives sont indispensables et ce extrêmement rapidement. Nous devons également redoubler de solidarité afin que la justice et l’équité soient les maîtres mots de cette phase de transition.

Dans ce contexte, Monaco tient à assumer sa part de responsabilité. Le Gouvernement Princier contribuera ainsi à la reconstitution du Fonds Vert pour le Climat à hauteur de 3,3 millions d’euros pour la période 2024-2027. Cela représente une augmentation de 10% par rapport à la période précédente alors que Monaco est déjà le premier bailleur per capita de cet instrument crucial capital de mise en œuvre de l’Accord de Paris.

Monsieur le Président,

Depuis plus d’un siècle, Monaco montre la voie pour tenter d’établir une meilleure cohabitation entre l’homme et la mer. La question des océans sera à nouveau, dix ans après l’adoption de la feuille de route de Samoa, au centre des travaux de la IVème Conférence sur les petits États insulaires en développement qui se tiendra en 2024, et de la troisième Conférence sur l’ODD 14 prévue à Nice, sous la Présidence de la France et du Costa Rica, en 2025.

Monaco a décidé de collaborer activement avec les organisateurs de cette Conférence et accueillera notamment des sessions sur le thème de l’économie bleue dont les conclusions viendront, je l’espère, enrichir les travaux.

Tandis qu’un phénomène encore inexpliqué de langue de refroidissement dans l’Est de l’Océan Pacifique interpelle les chercheurs, la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable nous offre l’occasion de mieux comprendre le phénomène complexe du changement climatique.

Ce que les grands pays ont réalisé dans l’espace devrait être accompli pour nos océans. Alors que nous recherchons la présence d’eau sur la planète mars, il a fallu attendre une génération pour que, sous l’impulsion du Président de la 77ème session de l’Assemblée générale, nous tenions une nouvelle Conférence sur l’eau, en mars dernier.

La jeunesse de nos Nations nous place face à une responsabilité cruciale : celle de veiller à la préservation de l'air qu'elle respire, de la terre sur laquelle elle grandit, ainsi que des mers et des océans qui sont le berceau de l’Humanité et la clé de sa survie. Ce combat ne prendra jamais fin.

Monsieur le Président,

Les conflits portent également gravement atteinte à l’environnement et représentent un obstacle supplémentaire à la réalisation des Objectifs de développement durable.

Voilà près de 600 jours que la Russie a pris la décision, en violation du droit international, de lancer une agression à grande échelle contre l’Ukraine.  Agression dénoncée, ainsi que ses conséquences humanitaires et environnementales, à plusieurs reprises par notre Assemblée.

Je tiens à exprimer, ici,  à nouveau la solidarité de Mon pays face à ces évènements tragiques et aux destructions endurées chaque jour par les populations civiles.

Comme dans tous conflits, Les combats et les bombardements génèrent une pollution des sols et des eaux par des substances toxiques. D’innombrables zones naturelles protégées ont été détruites et les dommages infligés aux infrastructures essentielles font augmenter les risques de pollution de l'eau potable et de propagation de maladies. 

De même, il n’est pas concevable qu’au XXIème Siècle, des personnels de santé soient régulièrement agressés, et des infrastructures sanitaires attaquées dans différentes zones de conflit. Aussi, j’en appelle, une nouvelle fois, à la protection de ces professionnels et des populations civiles.

Alors que le monde se relève, à peine, de la pandémie de COVID-19, je tiens à saluer l’organisation, cette semaine, de trois réunions de haut niveau dédiées à des problématiques majeures de santé publique. Nous devons tirer profit des expériences issues de cette pandémie afin de renforcer la gouvernance mondiale et bâtir des systèmes de santé forts et résilients.

Monsieur le Président,

Au rang des questions et des menaces existentielles pour notre civilisation, il en est une qui a pris une ampleur fulgurante ces dernières années. Je veux bien entendu parler de l’intelligence artificielle qui porte en elle à la fois un potentiel immense pour accélérer la réalisation des ODD et des risques sans précédents pour la paix et la sécurité mondiales.

La quête de l’innovation est inhérente à la nature humaine et mérite notre soutien lorsqu’elle est orientée vers l’amélioration de la vie de nos populations.

Bien que nous soyons fascinés par les avantages des outils numériques qui simplifient notre vie quotidienne, nous ne pouvons en négliger les dangers.

L'intelligence artificielle se révèle souvent plus efficace et fiable que l'homme dans de nombreuses tâches. Pour autant, elle peut être comme la langue d’Esope, à la fois la meilleure et la pire des choses pour l’Humanité. Déjà des cyberattaques utilisant l’IA visent déjà des infrastructures critiques comme les hôpitaux et les opérations d’aide humanitaire de l’ONU. L'industrie de la sécurité et de l'armement exploitent ces techniques dont le potentiel soulève des problèmes éthiques, peut-on laisser une machine décider de la vie ou la mort d’un être humain ?

Ces questions démontrent l’obligation qui nous incombe à tous  d’ériger un cadre de gouvernance mondial et des normes éthiques imposant des limites à l’utilisation de l’intelligence artificielle. La conclusion des travaux en cours dans ce domaine revêt donc une urgence capitale.

Je salue à cet égard tous les travaux visant à l’élaboration d’un organe consultatif de haut niveau au sein de l’ONU pour travailler sur la gouvernance internationale de l’Intelligence artificielle.

Monsieur le Président,

Fidèle à son rôle de modérateur et sa tradition pacifique, Je reste convaincu du rôle central de l’ONU dans la reconstruction de la confiance et le réveil de la solidarité mondiale. Cela nécessite des efforts communs ancrés dans un système multilatéral solide, fidèle aux valeurs et aux principes consacrés par la Charte des Nations Unies.

Je conclurai en exprimant l'espoir que nous parvenions à améliorer l'efficience de notre Organisation afin qu'elle puisse pleinement réaliser sa mission initiale : celle de préserver la paix entre les Nations et le bien-être de notre commune humanité.

Je vous remercie de votre attention.

Allocution de S.A.S. le Prince Albert II à l’occasion du Débat Général de la 78e Session de...